Je me suis récemment rendu compte que j’avais dépassé les 44 ans de carrière dans le domaine des communications. Ç’en fait des années, ça! Ça représente 72 % de ma vie professionnelle; 72 % de ma vie, tout court. Quand j’en ai fait le constat sur mon profil Facebook, les commentaires reçus ont tous référé à ma passion de la communication. Alors, si on se parlait de passion…

Un peu d’histoire

J’ai commencé ma carrière de communicateur par défi personnel à la radio locale de Rivière-du-Loup au Bas-Saint-Laurent, une station AM qui portait alors les lettres d’appel CJFP à la fréquence 1400. Je m’y étais présenté sur un coup de tête après une journée de travail comme plongeur dans un restaurant parce que le patron des animateurs m’avait dit, à l’âge de 14 ans, d’aller le rencontrer car j’avais une voix intéressante…

Trois ans plus tard, je me suis dit : pourquoi pas! Avec l’assurance timide et l’arrogance naïve de l’adolescence, je m’étais présenté en entrevue en sortant de mon boulot de plongeur (odeurs de friture, de bouffe et de savon à vaisselle à la clé), avais réalisé des démos et avais ensuite reçu une formation « sur le tas ».

Puis, on m’annonce soudainement que je remplace l’animateur qui devait être en fonction un vendredi soir; un des animateurs qui m’avaient « formé », justement.

Vous dire comment j’avais la « chienne », pas possible! De un, j’étais alors un ado plutôt timide; de deux, je manquais désespérément de confiance en moi; de trois, je me demandais sérieusement pourquoi j’embarquais dans cette galère.

Pour le reste de mes jours, je me souviendrai de cette première soirée comme de ma première date : un désastre. Trop fébrile, trop perfectionniste, trop intense, la voix flottante et hors registre, le débit hyper rapide et la diction à l’avenant, les enchaînements plutôt boiteux. À la fin de l’émission, je me sentais tellement hors de mes repères que je me suis dit que plus jamais je n’y retournerais ou qu’on ne voudrait plus m’installer derrière un micro.

La piqûre de la communication

Sauf que j’avais eu la piqûre. Je venais de découvrir le pouvoir et la portée de la communication. J’avais trouvé une partie de ma voie grâce à ma voix. Je venais d’identifier ma passion : celle d’entrer en contact avec les gens, de leur faire du bien, d’écouter leurs confidences, de leur parler dans le creux de l’oreille, d’animer leurs rêves, de leur donner de l’attention, de partager leur quotidien, de leur apporter du bonheur.

Celles et ceux qui ont goûté à l’adrénaline et à la griserie que procurent un espace derrière un micro connaissent la puissance de cette drogue qui peut vous transformer de multiples façons. Pour les autres, il faut l’avoir vécu pour comprendre, désolé…

Malgré ma timidité et mes craintes initiales, la passion de communiquer ne m’a jamais quitté. Au contraire, elle n’a fait que prendre de l’ampleur pour le meilleur et pour le pire. Elle s’est transformée au fil des ans en une passion pour l’humain et tout ce qu’il est. Elle m’a conduit à explorer ses multiples facettes, dans divers domaines, et je voulais plus que tout y trouver et y prendre ma place.

De l’animation, je suis passé à la recherche et au journalisme radio et télé, puis aux relations publiques d’une maison d’enseignement avant de me lancer à mon compte comme travailleur autonome en communications publiques. Tout cela, en effectuant un bref retour en parallèle à la radio d’État, en publiant certains de mes écrits à compte d’auteur et en participant à des projets de narration hors du commun. Des années pas toujours faciles, mais intenses, portées et marquées par une passion dévorante, celle qui vous remet en question, vous consume, vous dévore, vous confronte, vous fait douter, tenir tête à l’adversité et vous incite à relever de nouveaux défis envers et contre tout.

En amour avec ma passion

La passion est une amante exigeante, qui réclame son dû de manière constante, qui expose toute votre vulnérabilité. J’y ai laissé des plumes sur le plan personnel, c’est vrai. J’ai succombé à son feu et m’y suis brûlé mentalement et physiquement. Je lui ai abandonné des grands pans de mes amours, de ma candeur, de ma santé. Mais j’ai appris tellement de choses, à la fois belles et dures. Et j’ai aussi établi des relations amicales et professionnelles profondes, signifiantes et significatives.

Le domaine des communications n’est pas toujours aussi « glamour » qu’on veut bien le faire croire. C’est plus souvent ingrat que gratifiant, ça suscite l’envie, la critique et parfois l’incompréhension. C’est bien loin du vedettariat facile et artificiel que l’on nous vend quotidiennement dans les médias. Mais c’est toujours riche de rencontres captivantes, de connaissances généreusement partagées, de découvertes insoupçonnées.

Aujourd’hui, voici ce dont je me souviens le plus de cette intense passion pour les communications : ce que j’ai appris sur moi-même, la timidité naturelle que j’ai dû surmonter, la manière dont cette passion a pu me transformer, les relations étroitement tissées avec des clients et des collègues de tous horizons. J’en ai savouré tout ce qu’elle offre de positif et découvert ses aspects les plus sombres. J’ai tout traversé, non sans heurts, mais avec la conviction d’avoir changé voire sauvé des vies, influencé des choix, allumé des flammes, conseillé et rassuré des gens sur les plans personnel et professionnel, donné le meilleur de ce que je suis, parfois maladroitement j’en conviens, mais toujours intensément, avec franchise, honnêteté et sincérité.

Quelques regrets mais pas de remords

Reviendrais-je en arrière si je le pouvais? Sur certains aspects de ma vie professionnelle qui ont occulté et abimé ma vie personnelle, oui. Mais ce n’est pas le métier qui m’a mené à explorer à la fois mes côtés obscurs comme mes plus lumineuses inspirations; j’ai accepté de me laisser dévorer par ma passion. Aujourd’hui, je l’assume.

Cette passion m’anime encore aujourd’hui, après 44 ans, comme si j’étais un jeune premier. Elle m’invite toujours à respirer à pleins poumons la vie qui bat et qui combat. Elle est devenue à jamais ma raison de vivre, pour les autres, pour tous les autres. Parce qu’une carrière en communication, ça ne se construit pas pour soi-même mais bien pour les autres, celles et ceux qu’on ne voit pas, qui n’ont pas de voix ou ne trouvent pas leur voie.

Je n’ai certes plus la fougue du jeune poulain sortant de l’écurie à son premier printemps. Mais toujours animé par le désir de pousser ma passion à la limite, j’aborde maintenant mon travail avec la sagesse, durement acquise, du vieil étalon qui a compris que le trot assuré peut mener plus loin qu’un galop intempestif et furieux.

La passion mal canalisée peut faire flétrir, éteindre et mourir; je le sais pour l’avoir vécu. Toutefois avec l’apprentissage et l’expérience, une fois bien comprise, mieux calibrée, domptée et mesurée, elle inspire et fait vivre, vibrer et rayonner.

J’ai goûté aux meilleures et aux pires de ses saveurs mais je suis prêt à toujours m’abreuver à sa source même si j’ai failli m’y noyer. Parce que je ne peux vivre sans passion, sans étincelle, sans flamme, sans intensité et, je l’avoue, sans démesure, Pour moi, c’est ce qui donne du goût et du sens à la vie, du moins à la mienne. Et c’est tout ce dont j’ai besoin pour me sentir bien et en équilibre. Un équilibre parfois précaire, j’admets, mais un équilibre tout de même.